L'image du service de Communication interne varie en fonction de son langage

Un article de Eric Cobut - 1 octobre 2019

 

"De quelle manière les YouTubers véhiculent-ils un éthos d'expert dans leurs discours ? " Mémoire rédigé par Lola Ravaldi de l’UCL, année académique 2018-2019 .

 

Objet : Ce mémoire s’est penché sur la manière dont les YouTubers mettent en valeur un ethos d’expert dans leur discours. 

Dans sa recherche, l’auteure s’est intéressée aux YouTubers (influenceurs) évoluant dans le domaine des cosmétiques. Pour ce faire, elle a sélectionné trois YouTubers qui se différenciaient selon leur nombre d’abonnés à leur chaine YouTube.


Au terme de sa recherche, elle arrive à la conclusion que le discours des YouTubers n’est pas un discours d’expert au sens strict mais qu’il se trouve à mi-chemin entre l’expert et le profane, l'amateur et le professionnel. De même, elle montre que les YouTubers les plus populaires, c’est-à-dire ceux-qui ont le plus d’abonnés, ont un éthos d’expert plus développé.

Qu’entend-on par éthos d’expert ?


Par éthos, on entend l’image, construite par le destinataire (la personne qui perçoit le discours) à travers l'énonciation de l’émetteur (l’instance énonciatrice de ce discours) (1).

Selon Jaillet (2) l’éthos de l’expert s’articule en trois caractères principaux :
-le « sérieux », littéralement dans le sens de “ne pas raconter n’importe quoi”. Dans la rhétorique de l’expert, le « sérieux » transparaît souvent via des arguments d’autorité ;
- la « compétence ». Elle est surtout rhétorique mais se manifeste également dans le domaine où il s’exerce ;
- « l’expérience », qui se révèle discursivement par l’utilisation d’un jargon du milieu ou par l’étalage de termes techniques.

Comment distinguer l’expert du profane ?

Dans sa recherche, Lola Ravaldi s’est surtout intéressée aux caractéristiques du discours de l’expert par rapport à celui du profane. Elle se réfère entre autres aux travaux de Léglise et Garric (3) qui ont établi que quel que soit le domaine dans lequel le discours d’expert intervient, il apparaissait des régularités linguistiques et discursives.
 

Elle détermine ainsi par rapport à un certain nombre d’indices les caractéristiques du discours d’expert et au-delà celles du discours du profane.

 

Indices

Discours de l’expert

Discours du profane

 

Au niveau des énonciatifs (embrayeurs)


- emploi du “il” impersonnel et du passif
- utilisation plus fréquente des verbes d’état ainsi que des verbes déclaratifs et descriptifs
- recours à un vocabulaire destiné à la preuve comme les verbes “montrer” ou “prouver”
 


- en plus du ‘‘je’’, on constate plus de marques de pronoms personnels
- de même, il y a une plus forte présence d’adverbes d’intensité et d’évaluation, ainsi que des éléments d’approximation
 

 

En ce qui concerne les référents (champs sémantiques fréquents)
 


- utilisation d’un vocabulaire caractéristique du monde scientifique ou bien des sciences expérimentales ainsi que du lexique de la validation et du contrôle
 

 

 

En ce qui concerne le lexique
 


- emploi de termes techniques spécialisés


- ces termes se retrouvent

également dans une quantité de discours profanes, comme dans la publicité ou la vulgarisation scientifique (4)

 

 

Quant aux arguments
 


l’expert use de certaines techniques argumentatives :
- l’équation, proche de l’argument de la division,
- la dissociation : ce type d’argument fonctionne par opposition, en mettant en évidence l’incompatibilité et la non concordance entre deux éléments,
- la définition,
- les arguments d’autorité : la justification de son expérience

 

l’expert utilise aussi certaines figures de style comme (2):
l’ellipse : omettre un ou plusieurs éléments dans un souci d’économie
l’épanalepse : répéter des mots avec des sens semblables
- l’hypotypose : consiste à rendre vivant et perceptible une situation comme si on y était

 


- emploi de nombreuses figures de style (plus grande variété !)
- production plus littéraire que chez l’expert

 

 

Quelles leçons pour le service de Com interne et externe ?


Loin de nous l’idée de comparer un Youtuber à un communicateur professionnel. L’intérêt de cette étude est de nous aider à comprendre en quoi consiste un discours d’expert et de profane et dans quelle mesure celui-ci peut contribuer à l’éthos, en l’occurrence d’un service de communication.

La réputation est liée à l’image perçue par le public Elle est la manière dont quelque chose (une organisation, une entité (ex :service de communication)…) ou quelqu’un est connu et considéré dans un public, ressentant une opinion favorable ou défavorable.
Elle se construit à partir de nombreux facteurs : les objectifs que le service de communication s’assigne, les valeurs que celui-ci incarne, les produits et les services qu’il offre, les messages qu’il véhicule et la perception qui en résulte auprès de ses parties prenantes…

Elle se construit également à partir du langage que le service de communication développe. La nature des mots utilisés, des arguments développés, du style employé et des références exploitées… sont autant d’éléments qui contribuent à l’élaboration de l’image. Selon le positionnement que le service de communication occupera sur le continuum allant du niveau de l’expert à celui du profane, son image et par conséquent sa réputation évoluera dans un sens ou un autre.

 


 

Bibliographie

 

(1) Amossy. R., (1999),’’Images de soi dans le discours (La construction de l'ethos)’’, Delachaux et Niestlé, Lausanne
(2) Jaillet.A., (1998), ‘’La rhétorique de l’expert’’, L’Harmattan
(3) Léglise ,I et Garric, N ., (2012), ‘’ Discours d’experts et d’expertise’’, Peter Lang, Berne
(4) Petit., (2010), cité par Calabrèse.L, ‘’Rectifier le discours d’information médiatique. Quelle légitimité pour le discours profane dans la presse d’information en ligne ?’’, Les Carnets du Cediscor [En ligne], 12 | 2014,

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