
Pour communiquer une stratégie d’entreprise, oubliez PowerPoint
Derrière chaque plan stratégique, il y a des slides. Derrière chaque échec de transformation, il y a souvent... les mêmes slides.
L’atelier ABCi du 20 juin dernier, animé par François De Jaegere et Alexandra Cazan, a mis les pieds dans le plat : communiquer n’est pas informer. C’est embarquer, et pour cela, il faut bien plus qu’un bon storytelling. Il faut du terrain, du test, du doute et, surtout, des managers bien équipés. Retour sur une leçon de communication interne à la fois chirurgicale et humaine.
L’enjeu : faire atterrir la stratégie sans crash
Le Centre Neurologique William Lennox, petit hôpital ultra-spécialisé, s’engage dans une transformation profonde et un nouveau plan stratégique. Mais voilà : comment faire atterrir une stratégie pensée en CODIR auprès de 430 professionnels aux métiers, rythmes et réalités radicalement différents ?
Alexandra Cazan découvre au début du projet un plan stratégique dense, confidentiel et... difficile à comprendre.
Premier apprentissage : l’engagement commence par le vécu
Pour communiquer sur la nouvelle stratégie, il est essentiel pour Alexandra Cazan de repartir de ce que les collaborateurs vivent, ressentent, rêvent ou craignent. C’est là que commence le vrai travail de communication.
Avec l’appui de François De Jaegere, la stratégie se réinvente autour d’une « storyline » : une narration qui part des irritants du quotidien pour aller vers les ambitions du plan. Elle est testée, réécrite, relue par le terrain avant d’être validée par le CODIR. Ensuite seulement viennent les outils : une vidéo, des slides, une brochure, des posters. Mais cette fois, ancrés dans le concret.
Deuxième leçon : le management joue un rôle clé
Le communicant interne n'est pas l'émissaire sacralisé de la stratégie. Il est celui qui outille les managers pour qu'ils deviennent des relais crédibles. Car ce sont eux que les équipes vont questionner, douter, confronter. Sans formation, sans discours cohérent, sans espace de réflexion, ils improviseront. Et là, le message déraille. Un module "Train the Communicator" est donc monté, sur mesure, pour armer ces relais. Objectif : répondre, nuancer, contextualiser. Pas réciter.
Troisième leçon : l’énergie ne vaut que si elle est mesurée
Chaque session est évaluée avec le modèle ADKAR. Awareness, Desire : où en sont les participants ? Comprennent-ils ? Ont-ils envie ? Plus de 260 collaborateurs exposés au plan, 177 réponses, un taux d’engagement inédit. Pas parfait, mais un point de départ fiable. Et une manière de transformer la communication en outil de pilotage.
Ce que cet atelier dévoile en creux
Alexandra Cazan et François De Jaegere le rappellent : lorsque l’on communique sur une nouvelle stratégie, l’appropriation est clé. Le temps laissé pour comprendre les messages est parfois beaucoup trop déconnecté des besoins réels : trois mois pour le CODIR, trois jours pour les managers, trois minutes pour les équipes. Cette temporalité est naturellement le premier obstacle à l’engagement.
Trois éléments à retenir
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La maturité d’un collectif dépend de la maturité de la communication qui l’anime.
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Derrière chaque comportement réfractaire, il y a une intention positive.
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Ce n’est pas la réalité qui compte, c’est la perception. Et la perception se travaille.
En conclusion : que faire, concrètement ?
Pour les communicants internes, trois pistes d’action immédiates :
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Stopper la frénésie du message top down. On ne part pas de la stratégie, on part de la vie des équipes.
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Doter les managers de discours, d'espaces de doute, et de matériaux souples. Le manager est un traducteur.
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Mesurer l'engagement réel. Sans feedback, pas de réglage. Sans réglage, pas d'engagement durable.
Cet atelier ABCi a permis une fois de plus de montrer que la stratégie ne se communique pas, elle se transmet afin de créer de l’engagement. Et cette transmission est un art, un artisanat, une ingénierie de terrain. Ceux qui veulent réussir leur changement feraient bien de s’en souvenir : une affiche n'a jamais changé un comportement, mais un manager bien outillé, oui.