La langue de bois en communication

Un article de Eric Cobut - 21 septembre 2017

L’association française de communication interne (AFCI), a publié dans les cahiers de la communication interne, n° 40, juin 2017, un dossier relatif à la langue de bois. Nous avons parcouru ce dossier et extrait un certain nombre d’enseignements utiles à l’exercice du métier de communicateur.

Qu’entend-on par langue de bois ?

Selon Nicole d’Almeida (professeure en sciences de l’information et de la communication au Celsa), avec la langue de bois, « on a affaire à un langage agissant qui se situe dans un rapport de force dans le champ politique ou le champ professionnel. C’est à proprement parler une politique du langage qui établit ce qui est à penser, ce qui est à dire, ce qui est à échanger (p 20) ».

Pour Guillaume Aper (Directeur adjoint de la Com JCDecaux ), «il y a langue de bois au fond dès qu’il y a décalage entre la manière dont l’entreprise se raconte dans son discours et la perception réelle qu’en ont les salariés….Elle se manifeste quand on ne comprend pas la réponse à une question posée, quand on ne parle que des trains qui arrivent à l’heure ou quand les problèmes sont euphémisés, quand on rend compte uniquement des projets menés à bien sans mentionner ceux qui ont échoué (p35) ». 

Avantages et inconvénients de la langue de bois

Nicole d’Almeida voit à la fois des côtés positif et négatif à la langue de bois :

- Positif : « La langue de bois peut être envisagée comme permettant la pacification des échanges. L’euphémisation, le lissage de certains discours peuvent prévenir ou désamorcer des conflits. Il y a une dimension diplomatique dans la langue de bois…..La langue de bois est une dimension des relations internationales. Parler pour ne pas aller à la guerre. Continuer à parler quelles que soient les circonstances. Sans que personne ne soit vraiment dupe, c’est une manière de garder le contact, donc de prévenir un conflit ouvert (p21) ».

- Négatif : « C’est le versant autoritaire qui, au lieu d’ouvrir les échanges, les ferme, les enferme, les contient, les prédéfinit.  On circonscrit le champ du dicible, ce qui peut être dit entre les hommes. Il s’agit d’un champ clos et imposé, qui appauvrit et dessèche des relations humaines (p21) ».

Quelques causes à la base de la langue de bois

Carole Thomas (Directrice de la Com et du marketing digital, Immobilière 3F), voit entre autres, des causes juridiques. Ainsi, « la loi qui interdit de dispenser des informations aux salariés sur un projet avant d’en informer le comité d’entreprise ou qui oblige l’assemblée générale d’un conseil d’administration à voter une décision comme un changement de gouvernance pour qu’elle s’officialise complique sérieusement notre tâche et pousse malheureusement à la langue de bois » (p29). 

Plus généralement, ajoute Guillaume Aper, « deux facteurs ont contribué, à mon avis, à la généralisation de la langue de bois. D’abord, un discours d’entreprise beaucoup plus contrôlé, je dirais même, sur-validé. Ces précautions, vis-à-vis de l’externe ont rejailli sur l’interne. Ensuite, un management intermédiaire dépourvu des connaissances de base dans les domaines aujourd’hui essentiels, comme la finance, les ressources humaines, le dialogue social, et qui ne peut faire autrement que répéter le discours (p35) ».

Quant à Arnaud Benedetti (Directeur de la Com de l’INSERM)., il y voit aussi une explication davantage psychologique. « Elle peut se développer en réponse à des besoins réels. En premier lieu, elle veut rassurer. Par exemple, dans le cas d’une réorganisation d’entreprise, on évitera les mots ‘’réorganisation’’, ‘’plan social’’ ou ‘’restructuration’’, auxquels on substituera la notion d’’accompagnement du changement’’, censée les inquiétudes et les doutes du personnel….elle sert à réagir en cas de crises : dans une société qui accepte de moins en moins le risque, les organisations développent toute une ingénierie de la communication pour s’adresser aux parties prenantes lorsqu’une crise éclate. On le voit, la langue de bois répond surtout à un besoin de sécurité. Mais elle ne sécurise que l’émetteur, sans vraiment rassurer le récepteur » (pp35-36).

Comment favoriser malgré tout, une parole ouverte ?

Bruno Scaramuzzino (Directeur général de l’agence Meanings), Arnaud Benedetti et Guillaume Aper livrent un certain nombre de pistes pour aider les professionnels de la Com à développer une stratégie visant à réduire ou à contourner la langue de bois (pp 36-37).

 

Arnaud Benedetti

Guillaume Aper

Bruno Scaramuzzino

Les salariés connaissent et vivent les situations sur le terrain.

Dès lors, la Com interne doit remplir une fonction de ‘’médiation’’ plutôt que de diffusion, en s’attachant à faciliter les relations entre le management et les salariés.

Il faut développer en interne une culture financière et RH, armer les managers intermédiaires pour qu’ils ne récitent pas le discours officiel mais se l’approprient et le restituent à leur façon.

Cet accompagnement des managers est sans doute le volet le plus compliqué du métier de communicateur.

 

Il devient nécessaire de sortir du ‘’tout digital’’. On constate ainsi que le concept de ‘’Facebook interne’’ ne répond pas aux attentes. D’où le grand retour de la presse d’entreprise avec des magazines trimestriels…

Il faut rétablir la rencontre physique, directe, entre le manager et le personnel, surtout en cas de problème.

Il faut solliciter l’exemplarité des dirigeants, notamment en commençant par privilégier le ‘’ discours de preuves’’, apportant des chiffres et des faits.

 

L’autre tendance, c’est de revenir à l’incarnation et à la matérialisation du lien. Les espaces de co-working répondent à ce besoin ainsi que les réunions.

Il faut réintégrer les sciences humaines et sociales dans les cours de communication. La formation professionnelle se limite trop souvent à l’apprentissage des techniques.

 

Quel que soit le sujet, les moments de rencontre physique sont essentiels pour réduire le phénomène de langue de bois.

 

 

Il est important de favoriser la co-construction des solutions en interne car elle permet de réduire le décalage entre le discours et la réalité et d’augmenter la confiance des salariés.

 

 

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