L’IA en communication interne : promesse, mirage et mode d’emploi
A l’heure où l’IA s’infiltre dans nos entreprises, encore faut-il savoir si elle éclaire nos stratégies ou noie notre esprit critique.
L’intelligence artificielle générative n’est ni un oracle, ni un assistant magique. C’est un outil probabiliste, bavard, éloquent, souvent utile mais foncièrement imparfait. En communication interne, elle fascine autant qu’elle inquiète : économie de temps, gain de productivité, nouvelle façon de penser nos contenus... Oui, mais à quel prix ? Et avec quelles limites ?
Retour sur les enseignements du webinaire ABCI avec Albin Wantier, fondateur de STORI, où lucidité et pragmatisme ont décorseté l’enthousiasme artificiel.
Dépasser les fantasmes : trois idées reçues à déminer
"L’IA a réponse à tout." Faux. Le taux d’hallucination reste élevé (en moyenne 30 % selon OpenAI). Elle produit des phrases plausibles, mais pas nécessairement vraies. L’illusion de véracité est son plus grand défaut.
"Pas le temps ? Demande à l’IA !" Oui, mais... pour gagner du temps, il faut déjà en perdre : rédiger un bon prompt, anonymiser les données, structurer la demande, vérifier les réponses, corriger les dérives.
"L’IA est un super Google." Non. L’IA générative ne répond pas à une requête factuelle avec une source fiable. Elle prédit la suite d’une phrase. Ce n’est pas un moteur de recherche, c’est un moteur de probabilité.
R.A.D.A.R : un modèle pour penser l’usage responsable
L’outil n’a de valeur que si l’on en maîtrise les réflexes. Voici cinq principes développés par Chloé Dungelhoeff et Albin Wantier pour garder le cap :
Réfléchir
- Se poser la question du sens avant la question du prompt.
- L’IA n’est pas un substitut à l’analyse, mais un levier de stimulation.
Accepter
- Accepter les limites : erreurs, biais, hallucinations.
- Évaluer le niveau de risque acceptable selon l’usage et le public.
Détecter
- Détecter les fautes, les sources bidon, les résultats aberrants.
- Toujours rester dans son champ de compétence, à défaut de pouvoir vérifier.
Adapter
- Adapter le contenu fourni : l’IA produit des bases, pas des livrables.
- Corriger, réécrire, contextualiser : l’humain reste garant du ton, du sens, de l’ancrage culturel.
Responsabiliser
- L’IA n’est pas un bouclier. On reste responsable de ce qu’on publie, partage, affirme.
- Documenter les bonnes pratiques, identifier des référents, instaurer une gouvernance.
Bien promper : comment briefer une IA comme un pro
Un prompt bien conçu est une conversation stratégique. Pour cela :
1. Attribuer un rôle à l’IA : expert, détracteur, RH, ambassadeur... Le point de vue modèle la réponse.
2. Donner le contexte : stratégie, valeurs, culture. Anonymiser si besoin.
3. Définir l’objectif : que doit-on produire, pourquoi, pour qui ?
4. Préciser le public : expert ou non, réticent ou convaincu.
5. Décrire la tâche : sujet, format, ton de voix, canaux.
6. Ajouter des exemples : le "style maison" reste une donnée essentielle.
Et surtout, réagir. Enrichir. Contredire. L’IA fonctionne par dialogue, pas par monologue. Le premier résultat est rarement le bon.
Trois usages concrets en communication interne
- Brainstorming d’idées de formats
- Personas internes
- Calendrier édirotial basé sur les priorités stratégiques
Mais là encore : tout est dans la maîtrise du cadre. L’IA peut amorcer, jamais conclure.
Une IA utile est une IA surveillée
L’IA n’est pas une menace, mais un test de lucidité. Pour les communicants internes, elle impose un double effort : technique et éthique. L’enjeu n’est pas de faire plus, plus vite. C’est de faire mieux, en gardant le cap de la pertinence, de la véracité, et de la responsabilité.
L’IA ne remplacera pas la communication interne. Elle mettra simplement en lumière ceux qui la pratiquent sans conscience.
Image : Sougwen Chung
Support de présentation de l'atelier du 16 mai 2025 disponible dans l'Espace Membres ABCi.
