Langage inclusif : et si vos mots reflétaient vraiment vos valeurs ?
Le 21 octobre 2025, Anne Vervier animait un atelier sur le langage inclusif. Pour les professionnel·les de la communication interne, ce sujet est souvent perçu comme un débat complexe, mêlant enjeux grammaticaux et idéologiques. Entre points médians, féminisation des métiers et accords de proximité, les techniques se multiplient, tout comme les résistances et les interrogations. Pourtant, derrière ces polémiques se cache une question essentielle : comment inclure l’ensemble des collaborateurs et collaboratrices sans sacrifier la clarté, la fluidité et l’efficacité des messages ?
Cet article propose une approche pragmatique, au-delà des postures militantes, pour transformer cette tension en un levier de performance culturelle et managériale.
Au-delà des débats : comprendre l’impact cognitif du langage
Pour agir efficacement, il est essentiel de saisir la dimension cognitive du langage. Des études en psycholinguistique montrent que le « masculin générique » influence nos représentations mentales. Par exemple, une énigme célèbre demande : « Un chirurgien ne peut pas opérer son fils, car c’est sa mère. » Beaucoup peinent à imaginer que le chirurgien puisse être une femme. Une autre étude révèle que l’utilisation de doublets (« candidats et candidates ») permet de citer trois fois plus de femmes que le terme « candidats » seul.
Pourquoi ? Le cerveau traite le masculin générique comme une image mentale spécifiquement masculine. Lorsqu’une phrase au masculin générique est suivie d’un élément féminin, le cerveau génère une activité électrique signalant une surprise cognitive. Cela prouve que le masculin générique n’est pas neutre : il crée un biais de perception systématique.
Conséquence en entreprise : un message adressé aux « collaborateurs » n’a pas le même impact qu’un message adressé aux « collaborateur·rices » (ou « collaborateurs et collaboratrices »). Ce biais affecte la perception des opportunités de carrière et le sentiment d’appartenance.
Visibiliser ou neutraliser ?
Les techniques d’écriture inclusive ne sont pas des règles figées, mais un ensemble d’outils à adapter selon les objectifs. On peut les regrouper en deux stratégies :
La visibilisation
Ces techniques rendent les femmes explicitement présentes :
● Féminisation des métiers (« autrice », « ingénieure »).
● Doublets (« collaborateurs et collaboratrices »).
● Point médian (« étudiant·es »).
● Accord de proximité (« les infirmiers et infirmières présentes »).
Impact : elles corrigent l’invisibilisation cognitive et promeuvent des modèles féminins, notamment dans les métiers techniques ou les postes de direction.
La neutralisation
Ces techniques effacent la marque du genre pour inclure tout le monde, y compris les personnes non binaires :
● Mots épicènes (« responsable »).
● Noms collectifs (« le personnel »).
● Formulations verbales (« Vous remettrez vos articles »).
● Néologismes non binaires (« iel », « toustes »).
À noter : une tension existe entre ces deux stratégies. Comme le souligne Anne Vervier, « une communication qui veut inclure tout le monde peut réinvisibiliser les femmes ». Le défi est donc de savoir quand visibiliser et quand neutraliser, en fonction du public et du contexte.
Méthode « FéDouAlRéMaPo + ProxNéo » : un guide pour la clarté et l’impact
Pour concilier inclusion et lisibilité, voici une méthode structurée créer par Anne Vervier, à utiliser de préférence dans l’ordre suivant :
- Féminisation : utiliser systématiquement les formes féminines des métiers et titres.
- Doublets : poser la mixité par des formes doubles (« collaborateurs et collaboratrices »).
- Alternance : varier les techniques de langage inclusif pour fluidifier le texte.
- Répétition : répéter le dédoublement aux moments clés pour éviter les ambiguïtés.
- Masculin générique : à utiliser avec parcimonie, uniquement après avoir établi la mixité.
- Point médian : réservé aux espaces limités (titres, tableaux).
- + Proximité : accord avec le nom le plus proche (à utiliser avec prudence).
- + Néologismes : pour les contextes où l’inclusion non binaire est un objectif explicite.
Cette méthode garantit un équilibre entre inclusion, clarté et respect des recommandations officielles.
L’écriture comme levier de performance culturelle
Maîtriser le langage inclusif, ce n’est pas appliquer des règles de grammaire, mais piloter un levier essentiel pour renforcer l’engagement, la diversité et l’expérience collaborateur·rice. L’enjeu est de choisir les bons outils, non par dogme, mais pour leur impact.
Pour aller plus loin
● Guide « Quand dire c’est inclure » (2023), Fédération Wallonie-Bruxelles.
● Guide de communication inclusive, equal.brussels (2024).
● Scilabus, « L’écriture inclusive a-t-elle un intérêt ? Quelles preuves ? », YouTube.
● Candea, M. et al., « Qui a peur de l’écriture inclusive ? », Semen, 2018.
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Anne Vervier est l’autrice de : ● Rédaction claire, 40 bonnes pratiques pour rendre vos textes professionnels clairs et conviviaux, Edi.pro, 2011. ● Courrier clair, Outils et mode d’emploi pour vos lettres et e-mails, Edi.pro, 2017. Site et blog : www.redaction-claire.com Anne Vervier est membre du Conseil de la langue française de la Fédération Wallonie-Bruxelles. |


