Fast food ou stratégie ? Un changement de posture s’impose

Un article de Alexandra Giroux - Membre du Conseil d’Administration de l’ABCI et Manager de l’équipe Culture et Communication Interne, Parternamut - 18 novembre 2025

La communication interne n'a jamais été un métier tranquille. Mais entre celui qui attend la commande et celui qui refuse de produire avant d'avoir compris le problème, il n'y a pas qu'une différence de méthode. Il y a un fossé de légitimité.

Paul Barton appelle le premier profil le « Fast Food Communicator » : on prend la demande, on exécute. Confortable, prévisible, inefficace. Naturellement, il vaudrait mieux poser la question qui dérange avant de produire quoi que ce soit. L’intention devant être de ne pas gaspiller de ressources sur un problème mal posé.

Le piège du « Fast Food Communicator »

« Fast Food Communicator », un rôle confortable, sans vagues, sans risques… et sans impact. Accepter les prescriptions sans les questionner, mesurer l’activité plutôt que l’effet produit, rester dans la zone de confort d’un rôle qui ne dérange personne, mais ne transforme rien non plus. Ce n’est pas une fatalité organisationnelle, mais un choix.

Pendant des années, le mantra a été : « s’aligner sur la stratégie de l’entreprise ». La base, sans aucun doute. Mais l’alignement n’est plus qu’un ticket d’entrée. Le vrai pouvoir, c’est le diagnostic. L’enjeu est de cesser d’être un prestataire pour devenir un partenaire stratégique. Personne ne vous offrira ce statut sur un plateau. Il se conquiert, interaction après interaction, en prouvant que votre expertise ne réside pas dans la production de contenus, mais dans votre capacité à résoudre les problèmes critiques de l’organisation.

Le point de bascule : la première question

Tout projet de communication commence par une bifurcation. Si vous partez d’une demande d’exécution (« Il nous faut une affiche »), vous finirez dans la tactique. Si vous commencez par une investigation (« Quel problème cherchez-vous à résoudre ? »), vous ouvrez la porte à la stratégie.

Joanna Parsons, le souligne : accepter une prescription tactique sans la questionner, c’est se condamner à rester un exécutant. Les demandes (une campagne, un événement, une newsletter) ne sont que des symptômes. La première question d’un communicant stratégique n’est jamais « Pour quand en avez-vous besoin ? », mais « Pourquoi en avez-vous besoin ? ». Cette simple interrogation change la dynamique: elle transforme l’exécutant en enquêteur, le prestataire en partenaire.

Lauren Bellan, de l’Université Tufts, a banni les mots « service » et « clients » au profit de « partenariat » et « partenaires ». Lisez entre les lignes : on ne sert plus des clients, on accompagne des partenaires pour résoudre leurs défis organisationnels.

En pratique :

  • Refusez d’ajouter une demande à votre liste sans avoir identifié le problème sous-jacent.
  • Imposez une séance de cadrage de 30 minutes avant toute production.
  • Documentez le problème dans un brief stratégique partagé.

Trois questions pour tout changer

Le questionnement stratégique est un protocole. Un cadre qui permet de déconstruire les hypothèses et de recentrer le débat sur l’essentiel.

  1. « Quel problème cherchons-nous vraiment à résoudre ? » Une affiche ? Peut-être. Mais le vrai enjeu, c’est souvent plutôt « Mes équipes ne comprennent pas la nouvelle orientation ». Lauren Bellan utilise la méthode de la « baguette magique » : « À quoi ressemblerait le succès ? Qu’est-ce qui vous empêche de l’atteindre aujourd’hui ? » Des questions ouvertes qui révèlent les problèmes cachés derrière les solutions toutes faites.
     
  2. « Comment cela aide-t-il l’entreprise à s’améliorer ? » Joanna Parsons insiste : chaque activité de communication doit tracer une ligne directe vers une priorité business. Finies les métriques d’engagement floues. Place à la contribution tangible. Exemple : une campagne de conformité en pharma ne vise pas 100 % de participation, mais des employés mieux armés pour garantir la sécurité des patients.
     
  3. « Quel est le coût ? » Chuck Ghost propose de renverser la perspective : au lieu de prouver un ROI hypothétique, quantifiez le coût de ne rien faire. Évaluez aussi le coût des réunions inefficaces. Une réunion qui mobilise 500 employés ? Calculez son coût en heures de travail. Cela change radicalement la donne : la communication n’est plus un centre de coûts, mais un réducteur de risques stratégiques.


Exemple : 85 % de vos 500 employés perdent 1h/semaine à chercher des infos ? → 425 × 45 € × 52 semaines = 994 500 €/an. Un argument bien plus convaincant qu’un « Il nous faut un nouvel intranet ».
 

Mesurer l’impact, pas l’activité

Les taux d’ouverture et les clics ne suffisent pas. La valeur se prouve par le récit causal :

  • « L’entreprise avait un taux d’erreur de 23 % »
  • « Nous avons ciblé les moments clés avec un parcours multicanal »
  • « Résultat : 8 % d’erreurs, 340 000 € économisés »

Lauren Bellan le rappelle : « Des données de mauvaise qualité en entrée = des résultats de mauvaise qualité en sortie. » Auditez vos listes, fiabilisez vos sources, et assumez votre contribution.

L’outil le plus important ? Votre capacité à diagnostiquer

Le communicant stratégique n’est ni un créatif, ni un gestionnaire de canaux. C’est un diagnostiqueur organisationnel. Son arme secrète ? Un protocole rigoureux pour identifier et résoudre les problèmes critiques. En résumé, que des bonnes raisons de lâcher son tablier d’employé de fast food. Alors, prêt à passer de l’exécution à la stratégie ?

Crédit Photo : Shawna Lemay

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